Tanbur Panj Simi  (tanbur à cinq cordes)

Choghûr

Setâr-e Ketâbi (Setâr à caisse plate)

Târ

Setâr

Violon

Zemâre (Dozaleh)

Ostad Elahi appelait cet air “l’air de Nadjaf” (Âhang-e Nadjaf). Il en eut l’inspiration lors d’un séjour de quarante jours riche en impressions spirituelles qu’il effectua au mausolée de l’Imâm Ali à Nadjaf (Irak). Y sont incluses des citations des airs Sahari (“L’aube”) et Gol va khâr (“Rose et Épines”). L’air de Nadjaf est une mélodie très gaie qu’Ostad Elahi jouait telle quelle ou mêlée à d’autres morceaux, soit comme thème central autour duquel s’articulaient d’autres motifs, soit comme mélodie de liaison pour orner les autres modes. C’est une mélodie “extensible” qui part vers d’autres horizons, puis revient au thème de départ. On peut lui adjoindre des airs secondaires et l’intégrer à ceux-ci. Cet extrait se situe au milieu d’un enchaînement enregistré dans une ambiance familiale où tout se fait spontanément et naturellement : Ostad prend son instrument, quelqu’un d’avisé pose un micro et enclenche un magnétophone, certaines personnes autour de lui vont et viennent, d’autres s’asseyent et écoutent.Tout en distillant une nostalgie profonde, ce morceau exulte. Les harmonies consonantes dans une tonalité majeure lui confèrent une expression claire et positive. L’interprète multiplie les techniques de jeu, il joue tantôt avec toutes les cordes et tous les doigts, tantôt avec un seul doigt, sur une corde ou sur toutes à la fois créant une sorte de polyphonie avec des harmonies variées.

Suite de Mobârak bâdâ (variante II).

Cette pièce est interprétée ici d’une façon inattendue et originale qui la rapproche par moments des variations sur le même thème incluses dans l’air de Nadjaf (plage 1). Bien qu’il s’agisse de musique modale, il y a une alternance d’accords de tonique et de dominante. Le premier passage est prolongé par une supplique qu’Ostad Elahi aimait beaucoup, dont la mélodie est inspirée d’une mélodie type (gûshé) de la musique savante iranienne appelée Mansûri. Le texte chanté est une supplique de Shâh Khoshin, grand saint kurde du XIe siècle qui officialisa le tanbur en tant qu’instrument sacré.Dans cette supplique, le poète dit son amour exclusif pour le divin :<blockquote>“Tu es mon commencement, Tu es ma fin Tu m’as dessiné d’une goutte d’eau Que m’importent ton paradis ou ton enfer Mon espoir est que Tu sois toujours avec moi”.</blockquote>La mélodie du passage suivant fut arrangée par Ostad Elahi sur des vers de Pir Razbâr, sainte kurde très vénérée du XIVe siècle. Ces vers traduisent l’état d’un être en quête de vérité, traversé par une “plainte” de sentiments passionnés et qui, transporté par l’amour, s’adresse à Lui avec des mots très simples. Ils commencent ainsi :<blockquote>Eshq-e haqq wa sar shit-e witâna Wa[Cha] manzelgâtân kâm djâ djitâna.</blockquote><blockquote>(“Ils ont l’amour du Vrai dans le cœur, ils sont éperdus de Dieu / Quelle sera votre demeure et votre place dans l’espace définitif ?”).</blockquote>Ce passage se prolonge par Mobârak bâdâ (deuxième forme). Changement de couleur, d’ambiance, le ton est plus nostalgique. Il y a là une rencontre de plusieurs thèmes, riche de polyphonies, d’harmonies, de nuances et de changements de rythme. La suite est une sorte de Zang-e shotori - pièce mélodieuse, douce et sereine, qui par son balancement modéré évoque la marche d’une caravane de chameaux. (On retrouve ce genre de forme dans la musique savante persane.)

Wâlâ witâna

Plusieurs airs s’enchaînent ici:<blockquote>a) Ali âmân yâ Ali / dakhilem wa to Ali (Ali, à l’aide ô Ali / Mon soutien est en Ali1</blockquote>Ce verset est suivi de Tchapi (air de danse) en tant que motif de liaison avec l’air suivant.<blockquote>Yâ Soltân âmân agerem dây (O Soltân, à l’aide, tu m’as enflammé!).</blockquote>Ce verset a été composé par Ostad. Le thème de Tchapi revient tout au long de cette improvisation sans cesse traversée par des figures nouvelles dans un étonnant foisonnement des sons.<ol class="number"><li value=1>Le nom de Ali, dans ce contexte, évoque le reflet de la divinité. À d’autres moments, Ostad Elahi a recours au nom de Soltân.</li></ol>

Ali amân yâ Ali

Ostad Elahi avait un petit luth persan setâr qu’il avait appelé bolbol (rossignol) et qu’il avait adapté de sorte à en faire une réplique plus petite de son tanbur à cinq cordes. C’était un instrument de voyage, à caisse plate, qu’il emportait presque toujours avec lui dans ses déplacements. Sa façon d’en jouer bouscule toutes les habitudes, car il combine à son gré les techniques du tanbur (roulements, toutes les cordes ensemble) et celles propres au setâr (avec un seul doigt). On notera que quelques années après la disparition d’Ostad Elahi, ce style s’est répandu parmi les joueurs de setâr persan. C’est de cet instrument qu’il joue ici, dans le cercle intime de sa famille vers la fin de sa vie (années 1970). L’assemblée est soudée par un sentiment de ferveur spirituelle qui transparaît dans l’enregistrement et parvient à en faire oublier la faible qualité technique.Amân sad amânCe chant fut composé par Hâdj Nemat, le père d’Ostad Elahi, au début de son illumination (en 1901). Les paroles constituent une sorte de supplique adressée au Roi spirituel, faisant appel à l’attribut de la miséricorde.<blockquote> Âmân sad âmân shây karamdârân / karam kheyre kar wa hâl-e yârân “De grâce, envoie-nous Ta grâce, ô Seigneur miséricordieux, comble de grâce ceux qui T’aiment.”</blockquote>Ey Darvish DarvishComposé par Hâdj Nemat à la même époque, ce chant est adressé au Roi spirituel, appelé ici Darvish, car il semblerait qu’Hâdj Nemat ait vu le Bien-aimé divin sous la forme d’un derviche et qu’il ait composé ce chant pour le célébrer.<blockquote>Ey Darvish Darvish imânem Darvish Ez va fedât bâm, pâ benyar wa pish</blockquote><blockquote>“Ô Derviche, Ô Derviche, ma foi est en toi Je te donne ma vie, fais un pas vers moi, viens !”</blockquote>Soltân SahâkiLa musique et les paroles de ce chant sont d’Ostad Elahi.<blockquote>Soltân Sahâki Ali giân Shây taniyâ tâki Ali giân</blockquote><blockquote>“Tu es Soltân Sahâk, Ali mon âme Tu es le Roi seul et unique, Ali mon âme.”</blockquote>Seule la mélodie est jouée ici. Shirina LeylâInitialement, cette mélodie très douce accompagnait cet hymne de Hâdj Nemat :“Le monde est précaire, ô Dâvud, ma vie / Seul subsistera le Vrai, ô Dâvud”, renvoyant aux versets coraniques LV, 26-27 (“Tout ce qui est sur terre est voué au néant. Seul subsistera le visage de ton Seigneur, plein de majesté et de noblesse”). Or ce chant, bien qu’invoquant Dâvud, l’archange de la miséricorde, évoquait la divinité dans Ses attributs de majesté et de “rigueur”, si bien que lorsqu’il était entonné en groupe, il augurait souvent un événement funeste. Lors d’un voyage qu’il fit dans l’ouest de l’Iran, Ostad Elahi en modifia les paroles et d’un chant de deuil, fit un chant de joie :<blockquote>Shirina leylâna leylâna / Shirini khoriâ vey mikâna “En ce lieu on a goûté des douceurs…”</blockquote>

Suite d’hymnes

Ostad Elahi avait traduit en persan et en kurde une prière de Ali1 en langue arabe, et pendant quelques mois, il avait pour habitude de la chanter tous les jours dans son intégralité à son lever. Il incluait également souvent quelques vers de cette supplique quand il jouait du tanbur.Il en chante ici un extrait dans sa version originale arabe – avec de brèves invocations en persan (Ali jân, Ali ma vie, âmân, à l’aide…). Le thème est également mansûri, du dastgâh tchâhârgâh (cf. supra).Cet enregistrement remonte à 1965 alors qu’Ostad Elahi était âgé de soixante-dix ans. Voici des extraits des vers chantés.<blockquote>Ô Toi que j’adore, mon Créateur, Toi mon appui solide, mon refuge, Dans la pauvreté comme dans la richesse, en Toi je cherche refuge. Ô Toi que j’adore, bien que mes fautes augmentent à chaque instant, Ta clémence sera toujours plus grande et plus vaste que mes péchés.</blockquote>Tout au long de cette pièce, il y a alternance entre des séquences de chant et des séquences très rythmées avec un leitmotiv (tierce mineure). L’ensemble des éléments - rythme, leitmotiv, notes ornées, répétées, harmonies étranges, etc. - crée une certaine exaltation. De fait, toute la deuxième partie du morceau, sorte de zang-e shotori suivi d’un hymne (zekr) très entraînant (Ali Hû Hû…) inspire réellement le mouvement.<ol class="number"><li value=1>Grand saint de la tradition chiite et gendre du prophète Mahomet.</li></ol>

Supplique de Hazrat-e Ali

Tchapi, qui est tiré du répertoire de danse, se joue aussi bien pour les réjouissances que pour exprimer l’enthousiasme spirituel. Il s’agit ici d’un enregistrement parmi les plus anciens d’Ostad Elahi, effectué en 1960, à son insu, derrière la porte fermée de la chambre où il jouait seul depuis environ une heure. La qualité de l’enregistrement laisse évidemment à désirer, mais l’interprétation que l’artiste fait ici de Tchapi justifie la place de ce morceau dans cette édition. On entre d’emblée dans un rythme de danse trépidant qui est maintenu tout au long de cette improvisation magistrale. Bien que Tchapi apparaisse très souvent, développé ou comme citation, dans les performances d’Ostad Elahi, il prend à chaque fois une forme différente. Dans le cas présent, il est joué sur une gamme persane, avec une tierce neutre, ce qui lui confère une coloration très particulière.

Suite de Tchapi

  Harmonies célestes

Samâ1, dont l’un des sens littéraux est « audition », désigne à la fois le concert mystique et la danse cosmique induite par cette audition, acception qui s’est notamment développée au XIIIe siècle sous l’influence de Mowlânâ Rûmi. Selon ce grand poète et mystique persan: « Le Samâ n’est qu’une parcelle de la danse éternelle à laquelle l’âme est destinée à se joindre un jour. Toute créature participe de cette danse cosmique… ».2Samâ exprime une mélodie « venue du firmament » (samâvât: les cieux) pour résonner aux oreilles de l’âme et emporter l’auditeur dans une danse qu’Ostad a qualifiée de céleste.Cette improvisation a été enregistrée dans les années 50 par sa fille aînée, alors qu’Ostad jouait pour lui-même dans sa chambre. Elle est interprétée au tanbur à cinq cordes (panj simi),3 et constitue un bon exemple de la technique toute particulière d’Ostad, notamment de son style singulier consistant à utiliser aussi bien la technique du tanbur que celle du setâr (voir aussi piste 4). La suite débute par une série de thèmes souvent composés de notes simples qui vibrent d’une sensibilité extrême. De constants trémolos donnent un caractère très intime à la mélodie développée qui exprime la profonde nostalgie de l’âme entravée qui ne peut rejoindre son Créateur. Progressivement, cette mélodie se renforce, soutenue par un accompagnement d’accords qui, petit à petit, remplacent les trémolos. L’atmosphère change, alternant soli et dissonances libres de toute convention puis, après une variation de rythme cyclique suivant un mode rubato (ralentissement puis reprise), le son s’amplifie et le mouvement de la danse cosmique emporte l’âme dans un flux de plus en plus puissant, accompagné d’un chant:4<blockquote>Âmân sad âmân wa âmâna kû À l’aide, oh cent fois à l’aide, mais où est Ton aide?</blockquote><blockquote>Ya das[t]-e mena / Ali wa dâmân-e to Voici ma main qui agrippe le pan de Ta robe</blockquote><ol class="number"><li value=1>Cf. CD Danses célestes, Le Chant du Monde, 774 1327.</li><li value=2>Cité par Jean During, Musique et extase, Albin Michel, 1988, p. 200</li><li value=3>Panj simi: tanbur spécial à cinq cordes (deux doubles cordes à l’aigu et au medium et une simple corde à la basse), instrument créé par Ostad Elahi. Cf. CD Harmonies célestes, Le Chant du Monde, 774 1122.</li><li value=4>Il est difficile de rendre compte de la pleine signification de ce chant, exprimé en langue kurde de façon simple mais percutante. Cf. Jean During: « La langue de ces chants est admirablement adaptée à l’expression de l’amour mystique, avec ses tournures poétiques audacieuses, concises, frappantes et d’une grande liberté. L’âme des sons, Ed. du Relié, 2001, p. 81.</li></ol>

Samâ

Cet air, enregistré dans l’intimité de la famille avec les moyens du bord dans les années 60, est porté par un jeu dépouillé au tanbur. Le chant, très intime et dont le timbre est d’emblée très haut, se déploie avec des variations de tonalité très subtiles semblables à des cantillations. L’unité entre la voix et l’instrument est totale. L’accompagnement au tanbur repose sur un rythme lent et sobre lors du chant principal tandis qu’il redouble d’ornementations lors des réponses de l’assemblée. Les premiers vers des paroles de ce zekr,1<blockquote>Haqq Haqq-e Hû Hû Ey âqây jâfem Ghonaray sar tâfem Yâr bi gazâfem</blockquote>sont une invocation à Soltân2 qui, dans ce contexte, représente l’essence divine ; « Haqq » et « Hû » sont des noms divins évoquant la Vérité, le Vrai, Dieu, l’Un.« Ghonaray (le fleuve) sar tâfem (l’écume sur la crête de la vague) » figure à la fois le tumulte des courants impétueux du fleuve et les éclats de lumière surgissant des eaux tourbillonnantes ; « Yâr bi gazâfem » : mon bien aimé (Yâr) qui est Soltân est sans mensonge. Ces vers peuvent ainsi être traduits:<blockquote>Le monde, comme un fleuve, est éclat et tumulte Mais Toi, mon Bien Aimé, Tu es sans ostentation, Vérité pure. </blockquote><ol class="number"><li value=1>Littéralement, Zekr signifie mémoration de Dieu. Il s’agit de prières psalmodiées ou chantées à voix haute, dans lesquelles on répète les noms et attributs divins.</li><li value=2>Soltân Eshâq (ou Sahâk), grande figure théophanique du XIVe siècle, considérée comme le fondateur de l’ordre mystique des Ahl-e Haqq.</li></ol>

Haqq Haqq-e Hû Hû

Ce morceau a été enregistré dans la maison d’Ostad au sein de l’atmosphère familiale toute simple de la vie de tous les jours: Ostad commence à jouer, un micro est doucement glissé devant son tanbur sans qu’il s’interrompe, absorbé dans l’intimité de son dialogue avec son Créateur. Une partie de cette pièce avait été publiée dans le CD Harmonies Célestes (piste 2) sous le nom Wâlâ witâna et dans la compilation en double CD qui accompagne le livret de l’exposition Le Luth sacré: l’art d’Ostad Elahi qui s’est tenue au MET (CD 2, piste 2). Elle est ici reproduite dans son intégralité afin de lui restituer sa pleine signification spirituelle. Exécutée sur le tanbur à 5 cordes, la mélodie est très subtilement développée et construite autour de réponses aiguës/graves, réalisant une véritable conversation, un dialogue musical. Le jeu de la main gauche est puissant et l’index de la main droite, qu’Ostad utilise comme s’il jouait du setâr,1 frappe les cordes d’une façon qui amplifie considérablement le son de l’instrument.2 Le rythme est très varié tout au long du morceau, mais l’ensemble s’enchaîne sans aucun hiatus. La mélodie du passage suivant fut arrangée par Ostad Elahi sur des vers de Pir Razbâr.Pir Razbâr, seule femme ayant le rang spirituel d’un archange dans la tradition kurde Ahl-Haqq, est une sainte très vénérée ayant vécu au XIVe siècle. Mère de Soltân Eshâq, qui était son pôle spirituel, elle lui était totalement dévouée. On peut traduire le premier vers du poème « Wa[Cha] manzelgâtân kâm djâ djitânâ » par « Dans quel lieu et à quelle place voulez-vous demeurer? »… Ostad a interprété ce vers ainsi: « Dans votre parcours, où voulez-vous vous arrêter? Dans l’opulence de ce monde d’ici-bas? Dans les bienfaits abondants du paradis? Le sens de cette quête (qu’on vous révèle) est que vous parveniez au Vrai/Dieu. Lorsque vous serez arrivé au Vrai, tout vous sera résolu, vous aurez la connaissance de tout. »Quant au second vers « Eshq-e haqq wa sar shit-e witâna », traduit par « Ayez la folie d’amour du Vrai dans le cœur et le cœur éperdu en Dieu », voici ce qu’Ostad en a dit: « C’est lorsque la personne a parcouru toutes les étapes spirituelles que l’amour du Vrai/Dieu éclot dans son cœur. Lorsqu’elle arrive à l’état où aucun plaisir de ce monde n’est plus un plaisir pour elle, elle devient éperdument amoureuse du Vrai, tels Mansûr3 qui disait “je suis le Vrai”, ou Zacharie4 qui riait alors qu’on le torturait ou Hossein5 qui avait un sourire quand on l’a décapité. Dans cet état, son corps et le monde n’ont plus de sens pour elle. C’est de là qu’elle parvient au ravissement de soi, un état dans lequel, où qu’elle regarde, c’est Dieu, le Vrai qu’elle voit, et elle est prête pour que Dieu lui fasse franchir le saut jusqu’aux mondes de la Perfection. »<blockquote>Wa [Cha] manzelgâtân kâm djâ djitâna Dans quel lieu et à quelle place voulez-vous demeurer?</blockquote><blockquote>Eshq-e haqq wa sar shit-e witâna Ayez la folie d’amour du Vrai dans le cœur et le cœur éperdu en Dieu!</blockquote><blockquote>Wa [Cha] manzelgâtân kâm djâ djitâna Dans quel lieu et à quelle place voulez-vous demeurer?</blockquote><blockquote>Rây Haqq râsian râsi ritâna La voie du Vrai est la droiture, la droiture est la voie</blockquote><blockquote>Ya shart-e eqrâr shart-e shâtâna C’est là le pacte d’acceptance, c’est là le pacte</blockquote><blockquote>Bâqi âkharat manzelgâtâna L’au-delà définitif sera la demeure</blockquote><blockquote>Ya dâm-e balâ ya balâtâna Cette naisse de douleur est le mal nécessaire</blockquote><blockquote>Eshq-e haqq wa sar shit-e witâna Ayez la folie d’amour du Vrai dans le cœur et le cœur éperdu en Dieu!</blockquote><blockquote>Din-e âshekâr bar malâtâna À la perfection, c’est la voie manifeste qui vous est révélée</blockquote><blockquote>Eshq-e haqq wa sar shit-e witâna Ayez la folie d’amour du Vrai dans le cœur et le cœur éperdu en Dieu!</blockquote><blockquote>Wa [Cha] manzelgâtân kâm djâ djitâna Dans quel lieu et à quelle place voulez-vous demeurer?</blockquote>Ce chant est suivi d’une supplique qu’Ostad Elahi aimait beaucoup. Sa mélodie est inspirée d’une mélodie type (gûshe) de la musique savante iranienne appelée Mansuri. Le texte chanté est un poème écrit en l’honneur de Shâh Khoshin6 par l’un de ses compagnons spirituels. Le poète dit ici son amour exclusif pour le divin:<blockquote>Az avval to boudi yâ din yâ din Ali Ali Ali Hû Hû Âkheram to bâshi Az qatre-yé âb-é, Az qatre-yé âb-é mani ey din Ali Ali manat kardi naqqâshi yâ Mowlâm yâ Mowlâm bâ behesht o douzakhat hey Mowlâm kâri nadâram omidvâram yâ Ali to bâ man bâshi Ali</blockquote><blockquote>Dès le commencement, il y avait Toi tu es ma fin Toi le Très-Haut, ma Foi, mon Souffle! À partir d’une goutte, Tu as façonné ma forme Ô mon Seigneur! Je n’ai que faire de Ton paradis ou de Ton enfer C’est que Tu sois toujours avec moi, Toi!</blockquote>Ce passage se prolonge par Mobârak bâdâ, deuxième version (voir CD Harmonies Célestes, pistes 1 et 2). On change alors de couleur et d’ambiance, avec une tonalité plus nostalgique. Plusieurs thèmes se rencontrent et se succèdent, dans une richesse polyphonique et harmonique, des nuances et des changements de rythme. La suite est une sorte de Zang-e shotori7 - pièce mélodieuse, douce et sereine, qui par son balancement modéré évoque le tintement des sonnailles d’une caravane en marche.<ol class="number"><li value=1>Le setâr persan est un instrument classique iranien à trois cordes de la famille des luths à manche long.</li><li value=2>Ostad jouait du setâr persan de façon déconcertante, en pinçant parfois les cordes « en sens inverse » c’est-à-dire de haut en bas pour marquer les accents. Cf. Jean During, L’âme des sons, Les Éditions du Relié, 2001.</li><li value=3>Mansûr Hallâj (m. en 922), martyr célèbre en Orient qui fut mis à mort pour avoir déclaré dans l’extase divine « je suis la Vérité » ou « je suis le Vrai ».</li><li value=4>Père de Saint Jean Baptiste, Zacharie, accusé à tort d’un crime, aurait été scié en deux.</li><li value=5>Petit-fils du prophète Mahomet, troisième des 12 imams du chiisme duodécimain, Hossein (626-680) fut martyrisé à Karbalâ.</li><li value=6>Shâh Khoshin est un grand saint kurde du XIe siècle qui officialisa le tanbur en tant qu’instrument sacré.</li><li value=7>Zang-e Shotori  « clochettes des chameaux » - est une mélodie inspirée du mouvement d’une caravane de chameaux. On dit que Ali (grand saint de la tradition chiite, gendre du prophète Mahomet) ajustait le son des clochettes de ses chameaux (Zang-e Shotor) de telle manière que la mélodie produite stimulait leur allure.</li></ol>

Yâ Shâh To Bâ Man Bâshi

Sahari est une mélodie qui se joue habituellement pour annoncer l’aube et le réveil de la nature. On peut y percevoir aussi comme un appel à l’âme, une incitation à se réveiller, à ressentir plus intensément l’effet de l’Un présent dans tout et partout et à ne pas être en reste ou ensommeillée alors que tous les êtres de la création chantent et louent le divin.Cette pièce fait partie des enregistrements effectués au début des années 60 et constitue un défi technique et artistique: l’instrument est un petit luth persan setâr qu’Ostad avait appelé Bolbol (rossignol)1 et qu’il avait adapté de sorte à en faire une réplique plus petite de son tanbur à cinq cordes. La façon d’en jouer d’Ostad bouscule toutes les habitudes, car il combine à son gré les techniques du tanbur (avec les cinq doigts pour frapper toutes les cordes ou faire des roulements) et celles propres au setâr (en pinçant les cordes avec l’index). Mais surtout, entreprendre, comme il le fait, de jouer cette mélodie dans l’accord de Farangi (en tierce) sur un cinq cordes relève d’un défi quasi insurmontable: les moyens physiques ou techniques manquent pour obtenir le son voulu et seule la virtuosité véritablement hors du commun de l’interprète peut donner cette stupéfiante impression d’aisance et de simplicité.La suite n’est pas complète, le tout début de l’enregistrement n’étant pas utilisable. Le morceau commence dans une tonalité majeure - autour d’une tierce (Iâ-FA) - qui en constitue la base. Le rythme initial se modifie au fur et à mesure que se développe la mélodie par des ornementations accompagnées de nombreux shors (sorte de roulement) qui résonnent dans de courts silences. Ce jeu se poursuit par la reprise en solo de la mélodie de la façon la plus simple et épurée possible sur une corde avec un seul doigt. Puis l’ensemble est repris en conjuguant toutes les caractéristiques (mélodiques, rythmiques) précédentes mais avec une intensité inédite. L’ensemble du morceau est présenté comme une ouverture, une expansion notamment déployée dans l’énergie du jeu, à la fois d’une fluidité subtile et d’une grande puissance.<ol class="number"><li value=1>C’est un instrument de voyage, à caisse plate, qu’il emportait presque toujours avec lui dans ses déplacements. La famille d’Ostad Elahi a fait don de cet instrument au Musée de la musique de la Philharmonie de Paris.</li></ol>

Suite de Sahari

« Yâ Soltân Âmân » est un zekr composé par Ostad dans sa jeunesse, probablement dans les années 1930 lors d’un de ses voyages au mausolée de Soltân. Cette version présente la particularité d’être exécutée sur un târ (luth à long manche de la tradition savante iranienne) et d’être accompagnée par un daf (tambour sur cadre frappé à la main).Les paroles originelles de ce zekr sont :<blockquote>Yâ Soltân, âmân âgerem dây Dasht-e awrâmân wâvarem dây</blockquote><blockquote>Ô Soltân, grâce, tu m’as consumé Tu as étendu à mes pieds la plaine de Awrâmân1 </blockquote>Dans cet enregistrement, Ostad ne prononce toutefois pas ces paroles mais introduit de subtiles variations dans le chant sur des invocations du divin (« Yâ Ali Jân », « Haqq Ali Jân », « Mowlâm Ali », « Yâ Ali âmân »). Le morceau permet d’apprécier la puissance de la main droite d’Ostad, jamais en retrait par rapport aux pulsations du daf et aux battements de main de l’assistance.Le motif principal, bien que joué avec des variantes, présente la particularité de toujours se terminer par un accord à contre-courant qui coincide avec le dernier coup frappé du daf; ce jeu donne une vraie impulsion rythmique et une énergie qui à chaque fois relance la dynamique de la pièce.Ce qui prédomine ici est le sentiment festif et la joie; la mélodie est allègre et le rythme entraînant.<ol class="number"><li value=1>Awrâmân est une région du Kurdestân qui occupe un rôle symbolique dans la tradition Ahl-e Haqq.</li></ol>

Variations sur la mélodie de Yâ Soltân Âmân Âgerem Dây

Ostad a souvent joué cette suite, mais rarement au tanbur à 5 cordes et il s’agit ici de l’unique enregistrement existant.Dans une atmosphère calme et paisible, il introduit le morceau avec ces mots :<blockquote>Ey Khodâvand-e tabârak va taâla rûh-e mân va tavajoh-e mân be sûye tost ey Khodâyâ Inak barây-é meymanat-é shab-é emshab ke shab-é mobâraki be nazar miresad, inak shurû mikonim be yek Jelo Shâhi Omidvâram ke pasand-é maqâm-é Manavi beshavad. Hû yâ Ali</blockquote><blockquote>Ô Dieu très haut et très grand, notre âme et notre attention sont tournées vers Toi, ô Seigneur! À présent, pour que ce soir, qui semble être un soir béni, nous recevions la grâce, nous allons commencer par jouer la Suite de Jelo Shâhi. J’espère que cela plaira au Rang spirituel.</blockquote>Le morceau débute par une série d’accords frappés vigoureusement en tonalité majeure. Les sons graves et majestueux se propagent, pour remplir et couvrir l’ensemble du spectre audible. Au fil du morceau, l’intensité de l’énergie déployée dans le jeu est de plus en plus grande, avec notamment des phrases composées de mouvements staccato très énergiques. À environ 10min et 20s, dans un passage plus solennel, la mélodie principale semble se dédoubler pour laisser place à plusieurs phrases mélodiques distinctes venant se différencier et se compléter, un peu comme si des instrumentistes supplémentaires venaient rejoindre le jeu, dans une véritable polyphonie.Ce morceau, au caractère presque pictural, offre une succession de tableaux musicaux empreints de grandeur, de dignité et de noblesse, qui se déroulent comme les scènes d’un film. On peut y ressentir une joie qui, dans un premier temps, demeure comme contenue. Les mélodies semblent se construire autour d’une attente jusqu’au passage final correspondant à l’arrivée du Roi spirituel.Si les airs qui composent habituellement la Suite Jelo Shâhi sont tous reconnaissables,1 ils sont joués tour à tour dans une liberté d’improvisation totale, parfois accélérées parfois seulement entendus entre deux cavalcades: les rythmes sont des courses, des galops, des tourbillons se bousculant, chaque air semblant vouloir prendre la place du précédent. Le son à la fois ample et orchestral qu’Ostad Elahi tire du tanbur à 5 cordes confère à cette interprétation sa dimension magistrale, témoignant une fois de plus de la liberté d’exécution impressionnante qui était l’une des caractéristiques du jeu du maître.<ol class="number"><li value=1>Voir le CD La musique céleste d’Ostad Elahi, Le Chant du Monde, 774 1026, piste 1.</li></ol>

Suite Jelo Shâhi au tanbur à 5 cordes

   Mon commencement et Ma fin

, un instrument qui, selon ses termes, appelait aux conversations intimes avec Dieu. L’un de ces instruments, qu’il avait baptisé 

de voyage à caisse plate. Malgré son petit format, Ostad pouvait en obtenir un son remarquablement fort.

Ostad possédait plusieurs setârs, un instrument qui, selon ses termes, appelait aux conversations intimes avec Dieu. L’un de ces instruments, qu’il avait baptisé Bolbol ou « rossignol », était un petit setâr de voyage à caisse plate. Malgré son petit format, Ostad pouvait en obtenir un son remarquablement fort.

En exposition au Met Fifth Avenue dans la galerie 681